Beaucoup connaissent le cas particulier ou les deux photons « mélangés » sont identiques, il s’agit du doublage de fréquence ou SHG « Second Harmonic Generation ». Cela est largement utilisé pour un grand nombre de lasers pulsés ou dans les pointeurs laser pour générer de la lumière verte à partir d'une source à 1064 nm (Nd :YAG). Suivant le même process on peut tripler la fréquence en mélangeant un photon « original » et un photon issu du doublage de fréquence …
NLIR, jeune société Danoise issue d’un laboratoire bien connu, utilise la technique SFG dans un tout autre objectif : concevoir des spectromètres et des détecteurs infrarouge, rapides et qui nécessitent aucun refroidissement. Le processus d’up-conversion utilisé par NLIR vise à convertir la longueur d'onde de la lumière infrarouge moyen (MIR) entrante en lumière quasi-visible. Les processus optiques non linéaires sont généralement induits par des champs électriques de haute intensité à l'intérieur de milieux présentant de grands coefficients non linéaires et de faibles pertes, par exemple des cristaux de LiNbO3. Pour l'up-conversion, qui met en jeu trois champs électriques, l'un de ces champs doit avoir une intensité suffisamment élevée. Bien que l'up-conversion soit connue depuis de nombreuses années, la nécessité d'un champ laser de haute intensité l'a rendue soit trop coûteuse, soit trop inefficace pour être commercialisée.
Technologie NLIR
Le cœur de la technologie NLIR consiste mélanger au sein d’un cristal non-linéaire adapté, un laser de haute intensité (1064 nm) en onde continue et la lumière MIR que l’on cherche à caractériser. En sortie du cristal, on obtient un signal quasi-visible (de longueur d’onde toujours inférieure à 1064 nm) et dont le contenu spectral est directement lié au contenu de l’onde que l’on souhaite mesurer, avec un rendement de conversion très élevé. La figure ci-dessous illustre un cristal avec un champ laser haute puissance (en vert sur le schéma) et un signal MIR (en rouge) en entrée du dispositif, se superposant au sein du cristal.
À la sortie, le faisceau up-converted (en bleu) peut être séparé du faisceau haute puissance résiduel et mesuré avec un détecteur de lumière quasi-visible, par exemple une barrette ou une matrice CMOS à base de silicium, un APD ou même un appareil photo de smartphone. Le schéma indiqué par la flèche illustre la conservation de l'énergie dans le processus d'up-conversion. Pendant le processus, un photon du champ laser haute puissance et un photon MIR se combinent pour devenir un photon de lumière quasi-visible ; la longueur des flèches représente l'énergie et donc la longueur d'onde. Le terme "État virtuel" en haut du diagramme indique que les photons ne sont pas absorbés dans un état physique du cristal (comme c'est le cas pour l'absorption électronique), mais interagissent uniquement avec les électrons liés par des forces électriques. Après l'up-conversion, la lumière quasi-visible peut être détectée avec un détecteur adapté à l'application envisagée.
Cela peut être réalisé avec un détecteur CMOS dans un spectromètre à réseau classique (comme dans le spectromètre S2050 2,0-5,0 µm de NLIR commercialisé par Optonlaser en France) ou avec un détecteur ponctuel très rapide et sensible (comme dans les détecteurs mono-longueur d'onde, également développés par NLIR et commercialisés par Optonlaser en France).
Bruit
Les produits de NLIR ont des propriétés de bruit exceptionnelles. De nombreuses sources de bruit connues dans les détecteurs MIR conventionnels sont évitées, même si l'up-conversion peut aussi être source de bruit. Les spécificités du process d’up-conversion, qui limitent l'efficacité et la bande passante réalisables, filtrent intrinsèquement le bruit thermique de l'environnement. Le seul bruit thermique qui subsiste est celui associé à la bande passante du dispositif et qui est aussi up-converti. Le reste du bruit thermique de l'environnement qui serait détecté par un détecteur MIR conventionnel n'est tout simplement pas up-converti et ne peut donc perturber la mesure. De même, un détecteur MIR conventionnel présente une quantité significative de bruit interne en raison de sa propre température, c'est pourquoi de nombreux détecteurs MIR sont refroidis par cryogénie. Cette contribution du bruit thermique devient négligeable aux longueurs d'onde ou s’effectue la détection (à température ambiante). Il a été démontré dans la littérature que même au niveau de la mécanique quantique, un photon up-converti est une copie exacte de l'original à plus longue longueur d'onde, à l'exception de la longueur d'onde. Cela signifie que le processus d'up-conversion lui-même ne contribue à aucun bruit dans le système de détection. Cependant, deux processus parasites se produisent à l'intérieur du cristal lors de l'up-conversion. Premièrement, le cristal lui-même émet des photons aléatoires en raison de sa température. Les photons émis dans la même direction que le signal sont up-convertis et ajoutés à la détection sous forme de bruit. Ce bruit domine au-dessus de 3,0 µm et augmente avec la longueur d'onde. Deuxièmement, les photons du laser haute puissance se désintègrent par dé-conversion spontanée, un autre processus non linéaire. Lorsque ces photons sont up-convertis, ils sont détectés comme du bruit. Ce dernier processus est appelé up-converted spontaneous parametric down-conversion (USPDC) dans la littérature, et il domine aux longueurs d'onde inférieures à 3,0 µm. Les deux nouvelles sources de bruit introduites dans le système d'up-conversion sont suffisamment significatives pour être observées dans les spectromètres de 2,0 à 5,0 µm à des fréquences d'échantillonnage < 0,1 Hz. Dans les détecteurs à une seule longueur d'onde, la contribution varie en fonction de la longueur d'onde et de la bande passante, mais son effet est toujours inclus dans les spécifications.
Vitesse
Une partie importante de la physique sous-jacente à l'up-conversion est la constante de temps de l'interaction non linéaire. Une idée fausse courante parmi les non-experts est que le processus de conversion se produit à la vitesse de la lumière. Bien qu'il soit vrai que la lumière n’est pas ralentie autrement que par l'indice de réfraction linéaire pendant le processus de conversion, l'interaction elle-même a peu à voir avec la vitesse à laquelle la lumière se déplace. La constante de temps du processus de conversion est déterminée par la rapidité avec laquelle les électrons liés dans le matériau réagissent à la force d'un champ électrique appliqué. Naturellement, les électrons ne réagissent pas de manière infiniment rapide, mais leur réponse reste très rapide à l’échelle de ce que l’on cherche à mesurer. Ainsi, la technologie du processus d'up-conversion lui-même ne provoque aucun décalage temporel ou « gigue ». Cependant, il s'avère (strictement parlant) que la dispersion dans le cristal cause en principe un flou temporel à très courte échelle de temps. Dans les détecteurs à mono-longueur d'onde les plus sensibles fabriqués par NLIR, l'effet deviendra notable à des fréquences de modulation supérieures à 100 GHz. Dans les dispositifs plus large-bande, cela se produira à des fréquences de modulation encore plus élevées. Par conséquent, aucun des détecteurs à mono-longueur d'onde n'est affecté par le flou temporel induit par la dispersion. Les spectromètres sont uniquement affectés en termes de sensibilité légèrement réduite pour les impulsions d'entrée de moins de 100 fs, mais le spectre mesuré n'est pas affecté.
Efficacité
L'efficacité du processus de conversion dépend de la puissance du laser de 1064 nm mentionné ci-dessus. En général, des puissances plus élevées donnent également des rendements de conversion plus élevés. La taille de la bande passante dans un processus d'up-conversion a également un impact significatif sur l'efficacité. Pour les plus petites bandes passantes d'environ 50 nm, l'efficacité de conversion peut atteindre jusqu'à 0,1, ce qui permet des mesures extrêmement sensibles. En revanche, une conversion simultanée plus large, telle que de 3,3 µm à 5,3 µm, donne un rendement de conversion d'environ 0,005, et une conversion encore plus large de 1,9 µm à 5,3 µm a un rendement de conversion de 0,0005. La combinaison idéale de la bande passante et de l'efficacité de conversion varie en fonction de nombreux facteurs, mais même les rendements de conversion les plus bas offrent de nouvelles possibilités de mesure, notamment dans les applications spectroscopiques.